- VÉGÉTAL - Les plantes et l’homme
- VÉGÉTAL - Les plantes et l’hommeL’étude des rapports entre les peuples et le monde des végétaux constitue l’objet et le domaine d’activité de l’ethnobotanique. Vue sous cet angle, celle-ci doit donc dépasser un ensemble d’éruditions statique, pour être dynamique, constructive d’un devenir, ou tout au moins coopérante, en cela, avec d’autres branches de la connaissance en sciences végétales et en sciences humaines.Traitant de rapports, de relations, l’ethnobotanique n’étudie pas les végétaux en eux-mêmes, non plus les hommes ou les peuples en eux-mêmes; ces objets relèvent d’autres disciplines très complexes.La connaissance réelle de la science des végétaux peut se comparer avec le savoir des peuples. Dans les deux domaines, nous sommes bien dans la réalité physique. Les sociétés modernes intègrent de plus en plus à leur savoir ce qui vient des sciences. Dans les deux sémantiques, on compare les nomenclatures, la morphologie externe, l’anatomie, l’organographie, la chimie, la physique, la sexualité et la génération, la génétique, la parasitologie, la symbiologie, les groupements végétaux, la biogéographie, l’écologie, la physiologie, etc.1. Plantes et vie socialeLes plantes sont, pour les hommes, sources d’informations. Ainsi le repérage effectif de positions spatiales et d’orientation (arbres signaux, signes de pistes, arbres de carrefour indicatrices d’altitude, de substrats, d’associativités avec d’autres végétaux et donc avec des animaux ou des hommes). Certaines sont des minéralo-indicatrices en ce qui concerne les sols (chlorures, sulfates, nitrates, cuivre, nickel, graphite, manganèse, silice, calcaire, gypse). Les présences et activités humaines anciennes sont décelées avec les paléophytes et archéophytes des ruines, des vieux remparts et châteaux, des fonds de cabane, des excavations archéologiques, des cimetières. Il est des plantes compagnes de l’homme qui le suivent dans ses migrations; d’autres sont liées à certaines cultures (blé, orge, riz, entre autres), à certaines industries (laineries, cotonneries, graineteries et provenderies), à des axes de transport (routes, voies ferrées, gares d’eau, ports, routes et chemins, aérodromes, pistes à bétail). Le plantain majeur, par exemple, colonise les chemins suivis par les premiers Européens (Canada, États-Unis d’Amérique, Mexique, Amérique centrale). Les crassiers des houillères et les anciens emplacements à charbonnerie de bois ont leurs plantes spécialisées. La fin de certains travaux collectifs est signalée par des branchages, des fleurs (fenaison, moisson, vendange, maison, barrage). Les noms géographiques et la toponymie rappellent des végétaux qui, souvent, ne sont plus en ces lieux. D’autres plantes servent pour des horloges de flore, comme hygromètres, roséomètres. Les phases de certaines plantes annoncent les saisons et les travaux agricoles. Des graines ont servi au calcul et à la comptabilité (bouliers, rosaires, chapelets), comme monnaie d’échange ou monnaie de compte (fèves de cacao), ou bien sont à l’origine de systèmes de poids (de l’Inde à l’Afrique). Les plantes ont joué un rôle dans les usages consulaires pour sceller traités et conventions (verveine), dans les votes (pétalisme des Grecs de Syracuse), dans l’écriture (figurations, matériel, pictogrammes, hiéroglyphes, alphabets runiques). Il en est de même en ce qui concerne les instruments de musique.Les noms des plantes donnent des images des migrations humaines, végétales et animales, des occupations et des préoccupations des hommes, des propriétés, qualités et vertus des végétaux. De tout cela transparaissent les besoins humains et leurs motivations. La connaissance des noms de plantes, c’est déjà la connaissance même de ces plantes (populaire, scientifique). Comme tout nom donne la position de la plante par rapport à d’autres plantes nommées (donc connues), c’est tout l’art de ranger et de classer les végétaux qui est conséquence de l’existence des noms (phytonymie). L’identification botanique, la philologie, la linguistique, les usages, les physionomies végétales, les propriétés et les relations entre plantes sont autant d’aspects globalement perçus en ethnobotanique.2. Plantes et vie culturelleIl existe une communication spirituelle entre hommes et végétaux: animisme, vitalisme, totémisme, religion, mysticisme, rituels religieux, symbolismes divers, migrations et transmigrations de l’esprit, des êtres, culte des morts, tabous et interdits, culte des végétaux (phytolatrie). La croyance au fantastique en témoigne aussi: anthropogénophytes, zoophytes, herbiers, bestiaires, plantes carnivores, voire anthropophages. La sexualité chez les végétaux est vue métaphysiquement. Il existe une cosmologie végétalienne des plantes sacrées, des métamorphoses humano-végétaliennes. La magie, fondée sur l’animation de tous les êtres, s’exerce beaucoup par le médium végétal, surtout dans l’art de guérir, ou sous la forme de charmes, pentacles, signatures, etc. Les mythes à végétaux et les plantes des mythes, les plantes à propriétés hallucinogènes, narcotiques, soporifiques continuent leur jeu dans toutes les humanités. La connaissance primitive des végétaux relève de conceptions que nous qualifions d’irrationnelles.Le végétal se réfléchit aussi dans les hommes, dans ses sociétés, dans leurs comportements et leur pensée. Il existe un assujettissement de l’homme au végétal. On trouvera, en ce domaine, toutes les plantes du folklore: contes, légendes, fables, chansons et comptines, littérature, poésie, superstitions, évocations, souvenirs. Les végétaux deviennent agressifs, attractifs, répulsifs, nauséabonds, odorants. Des psychoses naissent de l’usage des plantes. Parfois, les hommes se comparent à des végétaux (il est classique qu’ils se comparent à des animaux). Les végétaux dans les arts, dans les demeures et dans le milieu environnant influencent les modes de vie et de pensée.3. Plantes et technologieLa physico-chimie explique le choix de tel ou tel végétal motivé par nos besoins. La connaissance empirique d’autrefois reçoit maintenant une explication scientifique ou technique. Les constituants des végétaux, qui font les qualités, les propriétés et vertus des plantes, représentent le suc même de l’ethnobotanique analytique tant ancienne que nouvelle. La plante peut même ne plus être qu’un matériau physique ou chimique (chimiurgie).Les groupements de plantes (forêts, prairies, steppes) ou encore des espèces végétales particulières sont utilisés directement par l’homme et ses animaux domestiques ou protégés. L’emploi technologique les fragmente, ou les met en formes nouvelles (charronnage, lutherie, vannerie, travaux de découpage ou broyage), ou encore en extrait certains principes (sucres, amidons, alcaloïdes et glucosides, matières grasses, etc). Des groupes sociaux sont souvent spécialement impliqués dans ces actions (bûcherons et charbonniers, teinturiers, travailleurs du bois, laboratoires d’extraction, etc.). L’alimentation végétale des hommes et des animaux est le grand problème des humanités. Les plantes à fonction nourricière posent des problèmes de choix, d’économie, de production et d’échange, de diététique, d’art culinaire, tous projetés sur des régions, des ethnies, des groupes sociaux [cf. TECHNOLOGIE CULTURELLE]. Ces problèmes se lient pour chaque végétal à son origine, à sa production (cueillette, agriculture). La recherche et l’obtention des aliments concrets, les breuvages nutritionnels ou sensoriels, les épices et condiments ont préoccupé et préoccupent encore les hommes. Les plantes ornementales , compagnes de la demeure, du jardin, de la rue ou du cimetière, les plantes à parure , celles de la cosmétologie esthétique marquent aussi les sociétés.4. Ethnosystèmes de récolte des végétauxTout ce qui précède est en quelque sorte la partie analytique de l’ethnobotanique. La projection synthétique s’effectue d’abord dans des ethnosystèmes d’appropriation et d’exploitation des végétaux (systèmes de cueillette, de ramassage, de coupe, de pâturage naturel, etc.). On les retrouve encore partout dans le monde, même dans les pays évolués. Ils furent déjà le lot des premiers groupes humains.L’étude des ethnosystèmes de domestication des végétaux représentent certainement ce qu’il y a de plus important en ethnobotanique. Ils tiennent compte de l’origine des plantes cultivées devenues toutes différentes de leurs ancêtres ou de leurs collatéraux ancestraux, jusqu’à n’être plus que des «cultigènes», de véritables espèces engendrées par la culture. Des régions géographiques, des ethnies et sociétés, des civilisations entières ont été marquées par cette naissance et cette mise en exploitation de tels types végétaux nouveaux inventés par l’homme. Servant de traceurs, on peut les suivre dans les migrations humaines. L’origine et le développement des agricultures sont liés à ceux des plantes cultivées et c’est un vaste monde de recherches qui tendent à établir les bases mêmes des structures sociales des civilisations.Chaque végétal a aussi son histoire, celle que l’homme lui a faite, en rapport avec les civilisations, et ce domaine d’étude conduit à mettre en lumière ce que furent et sont encore les systèmes de civilisations végétaliennes. Les perspectives d’évolution de ces systèmes entrent dans le cadre et l’ethnobotanique qui se doit alors de tendre à être une discipline constructive et prospective.
Encyclopédie Universelle. 2012.